Les génies morts à 31 ans ne sont pas légion dans l’histoire de l’Art (heureusement). Pour ma part, je n’en vois que deux : Schubert et Alexis.
La comparaison entre ces deux personnages ayant travaillé dans des domaines si dissemblables n’est pas aussi saugrenue qu’elle en a l’air, et ne se limite pas à l’âge de leur disparition : Individus discrets et pudiques, aimant la bonne bouffe, le bon vin, cultivant des amitiés sincères, leur œuvre est parsemée de thèmes et d’obsessions romantiques : les pierres, les arbres, la réalité qui bascule dans le fantastique…
Ceux qui les ont connus ont pu témoigner de leur incroyable rapidité de travail et, devant des productions aussi abondantes à la qualité quasi-constante, accomplies en si peu d’années, nous sommes à la fois béats d’admiration et inconsolables qu’une fin prématurée nous ait privés de tous les chefs-d’œuvre à venir !
Schubert mourant sur l’opéra « Le comte de Gleichen » et la 10ème symphonie ; Alexis sur « La croisade de Superdupont » et « Le Transperceneige »…
Il a fallu longtemps pour que l’œuvre de Schubert (hormis les lieder) sorte du cercle restreint des « spécialistes » et soit enfin reconnue à sa juste valeur par le grand public. Celle d’Alexis traverse, elle aussi, un purgatoire d’où Gotlib tente de l’extraire en publiant ce recueil de 3 albums portant le titre bien mal choisi d’ « intégrale » ! (Par exemple, on n’y trouve pas la 4ème de couv’ d’ « Avatars et Coquecigrues » ; ni la belle histoire « Le pauvre Noël du vieux vampire », scénarisée par Gotlib et parue jadis dans Fluide ; ni « Les aventures d’Yrris » publiées dans Métal Hurlant sur un scénario de Druillet ; etc, etc…)
Certes, une intégrale d’Alexis est une chose quasiment impossible à éditer, tant son œuvre est prolifique, et pas seulement dans le domaine de la BD.
Je me souviens d’une exposition organisée à Angoulême, quelques mois après sa mort. Outre des planches bien connues (Cinémastock), il y avait là une série de portraits magnifiques au lavis, des tronches de paysans si ma mémoire est encore bonne…
Qui publiera un jour ces dessins superbes, et tous les autres qui dorment dans des tiroirs ? Il reste beaucoup de choses à découvrir…
En attendant, si vous ne connaissez pas encore Alexis, jetez-vous sur ce recueil, vous ne le regretterez pas !
(Et pareil si vous ne connaissez pas Schubert : Hop ! Foncez !)